Impressions à chaud de visites de réalisations architecturales majeures à Paris : la fondation Vuitton et la Philharmonie
Arrivée par l’avenue Gandhi : une carapace, des voiles qui reflètent le ciel, le parc et les voitures. L’entrée est étroite au regard de l’échelle du bâtiment, à l’écart sur un côté, au centre de la bête. Le logo de la compagnie couleur argent brillant nous surplombe. Le hall est décevant au regard du gigantisme des voiles extérieurs, espace banalisé, aseptisé. Un fond musical de chant religieux voudrait nous faire croire que nous sommes dans une église !
Avec un million de visiteurs à 14 euros l’entrée, la folie pourrait devenir rentable !
Nous ressortons avant la visite de l’intérieur pour apprécier l’enveloppe côté jardin, sur la face convexe de l’édifice. Les vitriers sont arnachés, une équipe d’alpinistes aguerris. La succession de voiles progresse de l’ouest vers l’est avec une augmentation de volume, les voiles pourraient être une invitation à entrer, à se glisser entre le verre et le béton mais les douves ne le permettent pas. Au dessus de la cascade à l’est, la façade est impressionnante, les voiles concaves sont penchés vers le sol, écrasants pour le visiteur, les interstices sont ouverts aux éléments, au soleil que nous avons avec nous pour cette visite mais aussi au vent et à la pluie dont on imagine la force. Les voiles jouent avec les éléments, ils les piègent et les restituent avec augmentation de leur énergie.
Alors que côté rue (sud) le reflet sur le verre est prédominant, côté jardin (nord) c’est la transparence et l’altération de la lumière à travers le verre teinté qui impressionne. La structure se laisse voir, démesurée, grossière à côté de la légèreté recherchée des voiles de verres.
Le gigantisme déshumanise
Le gigantisme déshumanise le bâtiment et nous plonge, nous visiteurs, dans une relation d’infériorité. Les douves, l’eau et la cascade qui entourent le bâtiment lui confèrent un caractère de forteresse. Les circulations verticales sont soit banalisées (un long escalator dans un espace blanc) soit alourdies par la technique (un ascenseur transparent au milieu de parois métalliques d’une structure monstrueuse. Un autre ascenseur transparent accompagne pourtant la métamorphose depuis l’espace sous terre jusqu’au ciel en dépassant les arbres du parc pour découvrir Paris autour.
Les parcours sur les terrasses sous les voiles de verre sont les plus exaltants avec une variété de promenades et de points de vue qui découvrent par cadrages la ville alentour : la Défense sous les voiles, la tour Eiffel entre un voile de verre et un iceberg, la ville à travers le verre imprimé.
La visite nous fait oublier la fonction du bâtiment et les œuvres d’art contemporain qui y sont présentées, les espaces d’exposition sont des grands volumes opaques à l’exception d’une salle en patio couvert par le grand voile.
L’auditorium est lumineux et vertical avec une ambiance feutrée la structure des voiles qui apparaît en transparence et par le dessous depuis les terrasses pourrait alourdir l’ensemble mais l’impression solaire domine malgré tout.
Je sors de cette visite avec des impressions diverses :
- un écoeurement face à la débauche de moyens et l’allégorie que constitue ce bâtiment (le luxe exacerbe la société de l’apparence et du fric, du clinquant et du mépris)
- la distance provoquée par une participation empêchée aux mouvements des espaces (une enveloppe close, une entrée réduite, les douves…)
- l’enthousiasme pour la dimension solaire apportée par les ouvertures sur l’extérieur depuis l’intérieur et les terrasses
La visite de la Philharmonie le lendemain m’a conforté dans cette dernière impression. La salle est très belle mais les parcours autour de la Philharmonie sont lourds et inquiétants. La dimension carcérale et brutale domine, comme l’expression de l’enfermement et de la paranoïa.
Rapport de dominant et dominé
Par leurs dimensions, ces bâtiments déterminent le caractère et l’évolution de la ville qui les entoure et avec laquelle pourtant ils n’entretiennent qu’un rapport distant, de dominant à dominé. Ils ne sont pas issus de la ville mais posés là comme par accident, ils ne sont pas non plus issus d’une plus vaste nature ou d’un environnement qu’au mieux ils ignorent et au pire méprisent et détruisent. L’esprit français dans sa multiplicité transparaît-il au travers de ces œuvres majeures, cet esprit universaliste, cette attention particulière au milieu ? Son arrogance oui, sa bienveillance non.
©vivarchi
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